Cher(e) ami(e) de la Santé,
C’est une expérience scientifique cruelle mais….
… très révélatrice.
Nous sommes en Angleterre, pendant la Seconde guerre mondiale.
Sir Hans Krebs, futur prix Nobel de médecine, lance une étude un peu spéciale sur la vitamine C[1].
Un essai clinique qui ne serait certainement plus autorisé aujourd’hui.
10 hommes ont été totalement privés de vitamine C pendant 8 mois.
Les « cobayes » étaient des objecteurs de conscience, tous volontaires. Ils refusaient de faire la guerre pour des raisons morales mais étaient prêts à prendre des risques pour le bien commun.
Dans cette expérience, leur régime alimentaire contenait tout ce dont ils avaient besoin… mais zéro vitamine C.
Sans surprise, les premiers symptômes du scorbut sont apparus au bout de quelques mois seulement.
Cela a commencé par des saignements sous la peau. Puis des saignements des gencives.
Le Pr Krebs note que ces symptômes correspondent bien aux récits historiques de scorbut chez les marins.
Mais ce qui est particulièrement intéressant, c’est l’impact inattendu de la privation de vitamine C sur le cœur.
Deux volontaires (20 % !) ont été victimes d’un début de crise cardiaque (« signes de complication cardiaque aigus »).
Ils ont été immédiatement hospitalisés, on leur a donné de bonnes doses de vitamine C… et leur état s’est amélioré.
Voilà un signe clair que la vitamine C est indispensable à la santé cardiovasculaire.
D’ailleurs, savez-vous de quoi mouraient les marins victimes de scorbut ?
Beaucoup d’entre eux mouraient d’hémorragie interne.
La paroi de leurs vaisseaux sanguins s’ouvrait…
… et leur sang se déversait dans tout le corps.
C’est le stade le plus extrême du scorbut (sachant que la maladie commence par des petites hémorragies internes sous la peau et dans les gencives, comme on l’a vu).
C’est dire à quel point la vitamine C est la grande protectrice de nos vaisseaux sanguins.
Et on sait désormais pourquoi.
La vitamine C est indispensable à la fabrication du collagène.
Or, le collagène est une sorte de ciment qui renforce les parois des vaisseaux sanguins.
Donc, sans collagène, les vaisseaux sanguins sont fragilisés.
Et bien sûr, des vaisseaux sanguins fragilisés vous rendent vulnérables à toutes sortes de maladies cardiovasculaires – hypertension, infarctus, etc.
Voilà encore une belle preuve que la vitamine C est une molécule-clé pour éviter les maladies cardiaques.
Et puis, une troisième observation fondamentale semble enfoncer le clou :
Les animaux ne font pas de crise cardiaque !
Les crises cardiaques sont rarissimes dans le monde animal.
Il n’y a guère que chez les grands singes en captivité qu’on a pu en observer.
Et c’est l’exception qui confirme la règle. Car les singes, comme les humains, ont perdu leur capacité à fabriquer leur propre vitamine C.
Tous les autres animaux savent fabriquer la vitamine C (à l’exception, aussi, des cochons d’Inde et de certaines chauves-souris).
Résultat : aucun de ces animaux n’est victime de carence en vitamine C… et, coïncidence ou non, ils ne souffrent presque jamais de maladies cardiaques.
Voilà comment est née l’idée que la vitamine C était peut-être la vitamine MIRACLE pour le cœur[2].
Dans les années 1980-1990, dans certains cercles, l’enthousiasme pour la vitamine C est maximal.
Les grands pionniers, comme le double prix Nobel Linus Pauling ou Irwin Stone, étaient convaincus que la vitamine C pourrait leur faire gagner 10 à 15 années de vie en bonne santé.
Avec un autre grand nom de la vitamine C, Archie Kalokerinos, ils se sont même amusés à parler entre eux d’un « club des centenaires ».
Mais il faut bien reconnaître que l’enthousiasme est retombé d’un cran.
D’abord, aucun d’eux n’a vécu centenaire, malgré les méga-doses de vitamine C qu’ils prenaient tous les jours.
Il faut même préciser que plusieurs partisans des méga-doses quotidiennes – comme le Dr Cathcart, le Dr Klenner et Andrew Saul – n’ont même pas atteint l’âge de 80 ans. Et deux d’entre eux sont morts de problèmes cardiaques.
Donc, les méga-doses quotidiennes (plusieurs grammes) ne font pas de miracle pour le cœur.
De fait, ce n’est pas parce qu’une carence en vitamine C a des effets catastrophiques pour le cœur qu’il suffit d’en prendre 10 ou 100 fois la dose pour avoir un cœur en pleine santé.
Oui, la vitamine C peut être « miraculeuse », mais…
En écrivant cela, j’ai bien conscience de me distancer de grands noms de la vitamine C.
Alors je voudrais d’abord préciser qu’ils ont eu entièrement raison sur plusieurs points fondamentaux.
Oui, je suis convaincu que les méga-doses de vitamine C peuvent être franchement miraculeuses en cas de problème de santé aigu : infections et empoisonnements en particulier.
Par ailleurs, il est évident qu’une déficience chronique en vitamine C fait le lit des pires problèmes de santé : maladies cardiaques, cancers, pneumonies, etc.
Il est donc absolument vital d’avoir au minimum 200 mg d’apport en vitamine C tous les jours, toute sa vie.
Mais… une fois que vous avez de bons apports de vitamine C, il n’est pas du tout certain que des doses supplémentaires quotidiennes puissent faire des miracles.
J’en veux pour preuve les deux essais cliniques géants qui ont été conduits dans les années 1990 sur des milliers de patients qui avaient déjà de bons taux de vitamine C dans le sang[3].
Ces hommes et femmes ont avalé 500 mg de vitamine C par jour pendant 8 à 10 ans…
… et par rapport au groupe qui a avalé un simple placebo, cela n’a pas réduit leur risque de mourir d’une maladie cardiovasculaire.
Certes, un effet aurait pu apparaître sur une plus longue période – après 10 ou 15 ans.
Mais cela montre, au minimum, qu’on ne peut pas tout miser sur la vitamine C pour s’éviter des problèmes cardiaques.
Cela dit, dans deux cas précis, la vitamine C a clairement démontré son utilité contre les maladies cardiovasculaires.
D’abord, la vitamine C est précieuse en cas d’hypertension – je vous renvoie à ma lettre récente sur le sujet.
Mais des doses encore plus élevées pourraient aussi avoir un effet sur les méchantes plaques qui bouchent les artères.
La vitamine C est-elle un « kärcher » pour les plaques d’athérosclérose ?
Là encore, c’est une étude scientifique assez ancienne qui pointe les promesses de la vitamine C.
Dans les années 1950, un médecin canadien, George Christopher Willis, s’est intéressé aux causes de l’athérosclérose.
L’athérosclérose se manifeste par ces fameuses plaques qui se forment sur la paroi des artères et qui, quand elles se rompent, forment un caillot qui peut causer une crise cardiaque.
Le Dr Willis a d’abord fait des expériences sur les cochons d’Inde – qui ne fabriquent pas leur vitamine C, comme on l’a vu.
Chez ces animaux, pas de doute : quand ils sont nourris avec de la « malbouffe », des suppléments de vitamine C réduisent nettement le risque de formation de plaques d’athérosclérose.
Mais l’étude la plus intéressante du Dr Willis date de 1954.
Il a donné 1 500 mg par jour de vitamine C (500 mg trois fois par jour) à 10 patients ayant déjà des plaques d’athérome observables sur leurs artères.
Après 6 mois, il a observé une réduction de ces plaques et une amélioration des symptômes chez 6 patients (soit 60 %) !
Dans le groupe de contrôle qui n’a pas reçu de vitamine C, aucun patient n’a vu ses symptômes s’améliorer.
L’étude est ancienne et de taille modeste, mais ses résultats ont été étayés par une étude plus récente menée au Danemark[4].
Dans cet essai clinique, avaler 500 mg de vitamine C (250 mg deux fois par jour) pendant 3 ans a permis de freiner la croissance des plaques d’athérosclérose par rapport au groupe placebo[5].
On manque de preuves définitives, mais il me paraît clair que de bonnes doses de vitamine C sont une piste majeure pour tous ceux qui ont de dangereuses plaques d’athérome.
Surtout qu’il apparaît que la vitamine C rend ces plaques moins instables[6], donc moins dangereuses.
Pour être complet, je précise enfin que la vitamine C a aussi démontré des effets bénéfiques sur le fonctionnement du cœur en cas d’insuffisance cardiaque, preuve supplémentaire de son rôle général sur la bonne santé cardio-vasculaire[7].
Bref, la vitamine C est bien une vitamine précieuse pour le cœur.
Il faut simplement ne pas en attendre des miracles et prendre des doses raisonnables tous les jours.
Je vous en reparle très vite – sur ce sujet délicat des doses quotidiennes en prévention, mon chemin se sépare également des « grands pionniers » de la vitamine C.
Bonne santé,
Xavier Bazin