Le Mediator est l’arbre qui cache la forêt – les leçons du procès

Je vous invite à lire cet article remarquable du Dr Eric Ménat, écrit pour l’association AIMSIB, à propos du récent procès du Mediator.

Vous allez découvrir comment nos autorités et agences sanitaires peuvent commettre des fautes graves sans que personne ne soit puni… à part le contribuable, c’est-à-dire vous et moi !

Cette affaire du Mediator éclaire la crise actuelle de la Covid-19 et l’emprise de Big Pharma sur notre système de santé, en toute impunité.


Scandale du Mediator, Servier si mal condamné

Faut-il rappeler les détails du scandale du Mediator ? 

Ce médicament présenté comme « miraculeux » par le laboratoire Servier a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en 1976. Son histoire n’est que la partie émergée de l’iceberg des compromissions et des fraudes entre les laboratoires et les agences de santé, en France comme ailleurs. 

Distilbène, Thalidomide, Isoméride, Vioxx, Diane 35, sans parler de l’affaire du sang contaminé, la liste est longue et bien d’autres molécules bénéficient probablement encore d’une bienveillance aveugle de certaines administrations.

Benfluorex de malheur…

Que les laboratoires cherchent à vendre « à tout prix » peut paraître ignoble, mais c’est le business et pourquoi s’en priveraient-ils à partir du moment où les administrations, les ministères, les agences de santé ne font pas leur travail de contre-pouvoir et de régulation.

Pour rappeler quelques chiffres concernant le Mediator (ou Benfluorex), il faut savoir que l’autorisation de mise sur le marché (AMM) attribuée par la France en 1976 concernait « les hypertriglycéridémies en complément d’un régime, et les diabétiques en surpoids ». 

Et cela, malgré le fait connu depuis des années que le Benfluorex est un dérivé de l’amphétamine avec des propriétés anorexigènes, mais aussi des risques pour la santé déjà connus. 

En effet, dès 1971, une publication suisse alerte sur « l’épidémie » d’HTAP survenue dans ce pays à la suite de l’utilisation d’aminorex, un coupe-faim de la même famille.

Évidemment, quelle aubaine pour Servier ! 

Une amphétamine autorisée et remboursée par la sécurité sociale alors que le surpoids est un marché immense. 

De ce jour, le laboratoire n’aura de cesse de promouvoir son médicament contre l’obésité en dehors de toute autorisation et donc dans la plus totale illégalité et sans aucun contrôle des agences sanitaires.

Tromper d’abord les prescripteurs

Et beaucoup de médecins se sont laissés abuser par le laboratoire et ont largement prescrit ce médicament dans l’espoir d’aider leurs patients à maigrir. 

Si ça avait été seulement inefficace, ce serait juste une escroquerie. Mais de nombreuses personnes ont eu des effets secondaires graves (cardiaques) et certains ont perdu la vie.

Au final, 24 ans plus tard, quand le « scandale » éclate en 2010 grâce à la vigilance et aux travaux de la pneumologue Brestoise Irène Frachon, on dénombre entre 500 et 2 000 morts en France à cause de ce médicament (Servier n’en a reconnu que 3, mais l’AFSSAPS a estimé que ce médicament avait causé au moins 500 morts en France) !

Rajouter à ces morts de nombreuses séquelles cardiaques (7 500 demandes d’indemnisations ont été déposées). 

Pendant des années, Servier a vendu environ 150 millions de boîtes pour un chiffre d’affaires de plus de 500 millions d’euros.

Le préjudice pour la sécurité sociale a été estimé à 1,2 milliard d’euros.

Servier et sa défense ignoble

Mais je ne suis pas là pour refaire le procès du Mediator même si sur le plan humain et philosophique le problème va nettement au-delà de l’aspect sanitaire et financier. 

Il faut rappeler que le 2 juin 2010, alors que toutes les preuves sont déjà sur la table, le groupe Servier publie dans le Quotidien du médecin et le Quotidien du pharmacien un communiqué déclarant :

« Face aux nombreuses inexactitudes parues dans la presse grand public, à ce jour, aucun lien de causalité direct n’a été démontré entre la prise du médicament et les valvulopathies. »

Cela montre à quel point des laboratoires sont prêts à tout pour vendre leurs médicaments et que le ministère de la Santé et les agences sanitaires sont le dernier rempart de la population face à ces pratiques ignobles. 

Et quand ces garde-fous n’existent plus, nous sommes, nous citoyens, usagers de la santé, à la merci des pires prédateurs !

La justice au bout de vingt-quatre ans

Donc après 24 ans de laisser-faire, c’est le dernier rempart, la justice, qui s’est saisi de l’affaire et 11 ans plus tard (le temps de la justice est toujours lent), elle a rendu son verdict. 

Le 29 mars 2021, le tribunal de Paris a rendu son jugement à l’encontre des laboratoires Servier et de l’Agence du médicament qui était également poursuivie car réelle complice du laboratoire.

Après dix ans de procédure, les laboratoires Servier ont été reconnus coupables de « tromperie aggravée » et « d’homicides et blessures involontaires » dans l’affaire du Mediator.

Quelle est la « peine » pour ce crime ? 

Une amende de 2,7 millions d’euros ! 

Beaucoup ont crié victoire puisque la culpabilité du laboratoire est reconnue. Mais pour moi c’est une victoire à la Pyrrhus !

Voici ce que nous dit le jugement sous la plume de la présidente du tribunal correctionnel, Sylvie Daunis :

« Malgré la connaissance qu’ils avaient des risques encourus depuis de très nombreuses années (…), ils n’ont jamais pris les mesures qui s’imposaient et ont ainsi trompé « les consommateurs du Mediator. »

Le groupe pharmaceutique a toutefois été relaxé du délit d’« escroquerie ». 

Jean-Philippe Seta, l’ex-numéro 2 du groupe pharmaceutique et ancien bras droit du tout-puissant Jacques Servier, décédé en 2014, a lui été condamné à quatre ans d’emprisonnement avec sursis.

L’AFSSAPS qui devient l’ANSM

L’Agence nationale de sécurité du médicament ou ANSM (qui s’appelait à l’époque AFSSAPS, mais a changé de nom en 2012 pour tenter de fuir le scandale et faire oublier sa responsabilité) était donc poursuivie et a été jugée coupable d’avoir tardé à suspendre la commercialisation du produit.

Le tribunal correctionnel a estimé que l’Agence avait « failli dans (son) rôle de police sanitaire et de gendarme du médicament » et lui a infligé également la peine maximale de 225 000 euros pour « homicides et blessures involontaires » par négligence, à laquelle s’ajoutent des peines d’amendes contraventionnelles à hauteur de 78 000 euros.

Comme c’est une agence d’État, qui va payer cette amende ? 

Vous et moi bien entendu ! Puisque ce sera pris sur son budget de fonctionnement et donc sur nos impôts.

Et vous constaterez qu’aucun membre de l’ancienne AFSSAPS n’était sur le banc des accusés alors que ce sont bien des personnes, des responsables, des experts de cette agence qui ont couvert les agissements de Servier. 

Où sont-ils aujourd’hui ? Toujours fonctionnaires ? Probablement. Et les experts d’aujourd’hui ne sont-ils pas aussi les experts d’hier ? Probablement en partie !

Devons-nous, en tant que citoyens, être satisfaits de ce jugement ? Les coupables ont été jugés et condamnés. N’est-ce pas là le principal ? 

Et bien NON. Car un jugement doit être à la fois juste en condamnant l’auteur à la hauteur de son crime et suffisamment sévère pour enlever à d’autres l’envie de faire la même chose.

Servier et sa puissance financière

Pour votre information, le chiffre d’affaires global de Servier est de plus de 2 milliards d’euros par an (tous médicaments confondus).

L’amende représente donc 1 millième de son revenu annuel. Une goutte d’eau pour un laboratoire pharmaceutique.

En comparaison, le laboratoire Roche, pour une entente illégale sur le prix d’un médicament a été récemment condamné à 450 millions d’euros d’amende.

Pendant ce temps, Servier reconnu coupable d’homicide se voit condamné à une somme 200 fois plus faible ???

2,7 millions d’euros d’amende quand le chiffre d’affaires pour ce médicament a été de 500 millions ? Et qui va rembourser les 1,2 milliard d’euros de dépenses engagées par la sécurité sociale à cause de ce médicament ?

Nous encore évidemment, vous et moi, les citoyens qui payons leurs impôts et leurs charges sociales sans jamais nous demander ce que l’état en fait.

Un tel jugement, ne peut que donner envie à beaucoup d’autres vendeurs de médicaments de se lancer dans les mêmes démarches frauduleuses quand ils analysent le peu de risques qu’ils courent. 

Une amende de 0,5 % du chiffre d’affaires réalisé ! Ridicule !

Sincèrement, en tant que citoyen, je ne suis ni rassuré ni satisfait par ce jugement qui laisse la porte ouverte à beaucoup d’autres abus de confiance à l’avenir.

Pour le même type d’escroquerie au sujet du VIOXX (un médicament anti-inflammatoire), le laboratoire Merck avait dû payer une amende de 5 milliards de dollars en 2005-2006 pour indemniser les victimes, puis verser, en 2011, 950 millions à l’État américain, pour « fausses déclarations sur la sécurité de son médicament aux fins d’augmenter ses ventes ».

En 1997 déjà, l’Isoméride avait lui aussi été jugé responsable, toujours aux États-Unis, de valvulopathies cardiaques ainsi que d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et a été interdit y compris dans l’Union européenne. Aux États-Unis, près de 4 milliards de dollars d’indemnisations seront obtenus lors de « class actions ».

Les agences sanitaires françaises ont simplement suspendu l’AMM de l’Isoméride et n’ont jamais réclamé la moindre indemnisation pour notre sécurité sociale pourtant exsangue depuis des décennies.

Entre la justice française et américaine, il y a vraiment un fossé et la France est incapable de créer ce contre-pouvoir que nous attendons tous face à la puissance financière des industriels du médicament ! 

C’est bien dommage, car d’autres scandales auront sûrement lieu dans les prochaines années. Certains sont déjà en cours, mais pendant ce temps, les laboratoires encaissent les bénéfices !

Dr Eric Ménat, Avril 2021, pour l’association AIMSIB

Sources

(1) https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2010/11/23/pourquoi-l-affaire-du-mediator-a-t-elle-mis-si-longtemps-a-eclater_1443851_3208.html

(2) Rapport [archive] et annexes [archive] sur le Mediator, par l’IGAS, commandé par le ministre du Travail de l’emploi et de la santé et la secrétaire d’État chargée de la Santé, pour mettre en lumière la succession des évènements et des choix portant sur ce médicament afin de comprendre les mécanismes de prises de décision.

(3) https://destinationsante.com/mediator-r-ou-sont-les-negligences.html

(4) J. M. Kay, Paul Smith, Donald Heath, « Aminorex and the Pulmonary Circulation », Thorax, vol. 26, no 3,‎ 5 janvier 1971, p. 262-270 (ISSN 1468-3296, PMID 5089490, DOI 10.1136/thx.26.3.262, lire en ligne [archive], consulté le 6 juin 2012)

(5) Mediator: Bertrand recommande à tous les patients de consulter » [archive], dépêche Agence France-Presse.

(6) https://www.bfmtv.com/economie/consommation/l-affaire-du-mediator-en-chiffres_AN-201210030315.html

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53 réponses

  1. Un grand merci à vous Monsieur Xavier Bazin de vous mobiliser ainsi de façon aussi désintéressée pour le bien de tous et pour que la vérité éclate sur le scandale de notre système de santé !!
    Très fort avec vous dans cette lutte, et uni au Docteur Menat et à tous les courageux qui osent dénoncer ce système scandaleux !!!

  2. Bonjour,
    Face à ces scandales à répétition, ne serait-il pas temps que le législateur s’empare de ce sujet et légifère sur les amendes imposées à ces groupes en tenant compte du coût de la Sécurité Sociale majoré de 10 à 15 % minimum afin de couvrir les frais de justice lié à ces procès, ainsi le contribuable aurait au moins la sensation de ne pas se faire « pigeonner » une seconde fois, même chose pour les indemnisations de patients. C’est sûrement la seule voie afin que la France se fasse respecter puisque les institutions sont facilement achetées!!!

  3. Merci à vous Messieurs je vais descendre en ville me procurer ce livre le plus tôt possible.Bravo à Mr Menat pour toute son implication dans notre santé.Dommage qu il soit difficile pour obtenir un rendez vous à son cabinet..

  4. Merci beaucoup pour toutes ces informations qui donnent encore la preuve cinglante que nous sommes manipulés depuis des années et que cette pseudo-pandémie de covid-19 n’est qu’un prétexte pour nous emmener vers le totalitarisme. C’est grâce à des personnes comme vous, comme JJC, comme Louis Fouché et bien d’autres que nous arrivons à garder le moral et que nous gagnerons !
    Merci encore pour vos lettres éclairantes,
    Carole

  5. Je lis avec beaucoup d’intérêt vos différentes lettres, je pense également être une victime de ce laboratoire, en effet j’ai pris de isomeride pendant quelques mois dans les années 80/8

    et souffre maintenant depuis quelques années d’une valvulopathie mais comment prouver aujourd’hui que j’ai bien pris ce médicament, même si le médecin qui me l’avait prescrit à l’époque et toujours en activité ce n’est plus mon médecin traitant j’imagine qui n’a pas conservé de trace de mon dossier. De plus ça ne résoudra pas mon problème. Je suis d’accord, les labos sont tout-puissants et ne risquent pas grand chose, comment peut-on stopper cette situation ?

  6. C’est effectivement horrible, mais il a été question de créer la possibilité de pouvoir faire des « class action » comme aux Etats-Unis, ce qui ouvrirait une voie au public de faire des procès avec évidemment l’aide d’avocats et d’associations.

    1. Patience ! Ce système est entrain de s’effondrer , tous les mensonges éclatent à la Lumière ! Gardons la FOI !

  7. Bonjour Madame, Monsieur
    Je suis d’accord avec vous ils y en a qui s’en mettent plein les poches pendant que les autres souffrent
    Mais ça ne va pas toujours durer

  8. merci pour votre lettre je viens d’acheter le livre :big pharma … il y a longtemps que je ne fais plus confiance au système de santé français mais si on est trés malade comment fait-on? Grace à Dieu ce n’est pas mon cas pour le moment mais après?j’aime bien lire vos lettres qui sont toujours pertinentes.

  9. C’est vrai hélas mais que pouvons-nous faire pour changer les choses…. A part voter tous ‘ ,bien mieux la prochaine fois…….

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