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Cher(e) ami(e) de la Santé,
La semaine dernière, je vous ai parlé des étranges « remèdes de sorcière » du Moyen-Âge1.
Comme « se lier les tempes avec une corde de pendu » pour effacer un mal de tête.
Ou encore, contre une toux persistante, « cracher dans la gueule d’une grenouille vivante ».
Mais croyez-le ou non, ces « techniques » n’étaient pas inventées tout à fait au hasard.
Je peux l’affirmer grâce à la nouvelle « science du placebo ».
Vous connaissez le principe du placebo : lorsqu’on donne à quelqu’un une gélule présentée comme un remède, son état va généralement connaître une amélioration, même s’il n’y a que de l’eau dans la gélule.
Longtemps, cet « effet placebo » a été perçu comme une forme d’imposture, un effet psychologique antiscientifique qu’il faudrait donc totalement ignorer.
Mais on est en train de réaliser que l’effet placebo n’est pas que dans la tête : il a aussi des effets physiologiques.
Par exemple, un placebo contre la douleur déclenche naturellement des hormones endorphines, qui ont le même impact physiologique que la morphine… sans les effets secondaires.
À tel point que des chercheurs ont montré que pour certains médicaments, l’essentiel de l’effet qu’ils produisent est purement « placebo ».
C’est particulièrement le cas des anti-dépresseurs et des anti-douleurs. Pour les anti-dépresseurs, plusieurs études scientifiques récentes publiés dans le JAMA et le Lancet ont montré qu’ils n’avaient généralement pas plus d’effet qu’un placebo2.
Quant aux médicaments anti-douleurs, ceux récemment testés dans des essais cliniques américains ont seulement 9 % d’efficacité de plus que les placebos3. Cela veut dire que vous obtenez environ 90 % de votre soulagement par l’effet placebo, et 10 % par la pilule chimique.
Et le lien avec les remèdes du Moyen-Âge, c’est que l’effet placebo est d’autant plus puissant que le faux remède frappe votre imagination.
Plus le traitement est « spectaculaire », plus il est efficace !
On aurait pu s’en douter, mais les chercheurs l’ont prouvé à travers tout une série d’études stupéfiantes4.
Figurez-vous que les grosses pilules placebo marchent mieux que des petites. Les pilules placebo colorées ont davantage d’effet thérapeutique que les pilules blanches.
Plus on donne au patient l’impression qu’on est en train de lui donner un puissant remède, plus l’effet est important. Une opération chirurgicale placebo a de meilleurs résultats qu’une injection placebo, qui elle-même a un impact supérieur à la simple ingestion de pilules.
Vous voyez où je veux en venir…
À ce jeu-là, les remèdes médiévaux sont imbattables.
Non seulement ils comportaient souvent des listes interminables d’ingrédients (impressionnants en soi)… mais ces « ingrédients » frappaient d’autant plus les esprits qu’ils incluaient… de la fiente de lézard, des testicules de coq ou de la dent de sanglier.
Toutes les mixtures de l’époque n’étaient probablement pas inoffensives, reconnaissons-le. Mais il est certain que celles qui étaient sans danger contribuaient à la guérison… ou au minimum au soulagement du malade, grâce au fameux effet placebo.
Et quand il s’agissait de « pratiques », on pouvait être sûr qu’elles ne pouvaient pas faire de mal.
Religion, mort, sexe et excréments, les tabous suprêmes (et efficaces)
Contre le mal de dent, par exemple, il était recommandé de les toucher avec « une dent de mort ». Ce n’est pas un hasard : la mort fait partie de ces concepts qui frappent le plus l’imagination de l’être humain.
Parmi les autres « déclencheurs » universels d’émotions primitives, on trouve :
- La religion, pour les croyants (souvenez-vous du remède contre la fièvre : « passer entre la croix et la bannière de la paroisse»)
- Les excréments et fluides corporels, qui suscitent des réactions naturelles de dégoût – le pompon étant ceux d’animaux eux-mêmes inquiétants (« fiente de lézard ») ;
- Le sexe – d’où la force psychologique d’un remède comme le « sperme de grenouille desséché » (si si, cela existait bien).
Si vous êtes sceptique, pensez aux « jurons » de tous les jours. Croyez-vous que c’est un hasard s’ils sont tous directement liés à la religion, aux fluides corporels et au sexe ?
Absolument pas, car les jurons ont pour fonction de déclencher une décharge émotionnelle puissante… et il n’y a pas plus fort que le blasphème (Nom de Dieu !), le dégoût lié aux fluides corporels (fait chi**…) et le tabou de la sexualité (pu*ain).
Évidemment, ce qui frappe l’imagination évolue aussi au fil du temps. Aujourd’hui, en Occident, la blouse blanche du médecin a vraisemblablement un effet placebo plus puissant que le balai d’une sorcière ou la danse du chaman.
Et de fait, une étude récente a montré que la simple présence du médecin, assistant aux côtés de son patient à l’injection d’un anti-douleur placebo, augmentait son efficacité de 50 %5. Pas sûr que l’effet aurait été le même avec la présence d’un druide celte (quoique…).
Mais il est clair que, pour l’époque, les remèdes étaient remarquablement sélectionnés pour produire un maximum d’effet psychologique.
Ne méprisons pas les remèdes traditionnels
Bon, évidemment, la grosse différence avec l’époque médiévale et la nôtre est que, si vous avez une rage de dent, votre dentiste vous la soignera en profondeur.
Mais mettez-vous à la place d’un malade au Moyen-Âge. Faute de dentiste moderne, il était déjà heureux de pouvoir soulager ses souffrances avec de puissants anti-douleurs « placebo », sans effet secondaire.
Voilà une bonne raison de ne pas se moquer des remèdes traditionnels, aussi étranges soient-ils.
Bonne santé,
Xavier Bazin



15 Responses
Merci beaucoup pour ce partage très intéressant. Vos recherches sont enrichissantes.
en effet la fièvre est un signe de vitalité. si elle est élevée chez les enfants c est parce qu ils ont beaucoup de vitalité. aussi le fait de vouloir baisser la fièvre empêche empêche les sécrétions d être éliminées.
très intéressant autres fois ont se soigne avec que du naturel peut importe les fason et les produits
Merci pour cet article insolite. C’est vrai, il ne faut pas mépriser les remèdes et les systèmes de médecine traditionnels, même si certains étaient très cruels ou relevaient plus de la superstition que du soin. Mais la connaissance des plantes était réelle et devrait être préservée de l’oubli à tout prix. Et notre médecine contemporaine si prétentieuse devrait faire preuve de plus de modestie au vu des catastrophes qu’elle crée et de son manque d’humanité…
Je me permets juste une petite remarque : le XVIIe siècle est le cœur de la période moderne (c’est le siècle classique, celui de Mazarin et Louis XIV, de Molière et de Lully), ce n’est plus du tout l’époque médiévale !
Très bonnes infos merci