Faites des gargarismes à l’eau claire, à l’eau salée… ou au thé vert !

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En 1969, en pleine grippe de Hong-Kong, une photo célèbre montre des douaniers japonais en train de faire des gargarismes1.

Gargarisme

C’était le grand « geste barrière » des Japonais contre cette pandémie. Même chose en 1918, contre la grippe espagnole.

Car il s’agit d’une tradition millénaire, au Japon. Ce n’est pas une exagération : l’ugai (gargarisme) est mentionné dans des écrits datant de l’époque Heian (794–1185)2.

Le mot viendrait d’ukai, qui signifie la pêche au cormoran : le mouvement du cou lors du gargarisme évoquerait celui du cormoran régurgitant les poissons.

À partir du 20ème siècle, l’ugai devient une mesure de santé publique majeure. « En rentrant à la maison, la première chose à faire est de se laver les mains et de se gargariser », selon une consigne populaire japonaise.

Dans les écoles, on apprend très tôt aux enfants le duo « te-arai to ugai », lavage des mains et gargarisme. Surtout pendant les saisons froides, propices aux rhumes.

En mai 2009, lors de l’alerte H1N1, le ministre de la Santé japonais a officiellement recommandé les bains de bouche et gargarismes – en plus du lavage des mains3.

Et à l’été 2020, le gouverneur d’Osaka a créé la sensation en appelant la population à agir contre le Covid en se nettoyant la bouche avec des gargarismes à la povidone iodée4 ! 

Il faut dire que dans les années 2000, les scientifiques japonais avaient produit des preuves majeures de l’efficacité de l’ugai.

Deux essais cliniques qui ont changé l’histoire des gargarismes

La preuve la plus connue est le grand essai contrôlé randomisé conduit par le département de santé publique de l’Université de Kyoto et publié en 20055.

Des volontaires ont été répartis en trois groupes, de façon aléatoire : un groupe qui devait se gargariser à l’eau du robinet ; un groupe qui devait se gargariser avec une solution antiseptique à base de povidone-iodée (bétadine verte) et un groupe témoin.

Les deux premiers groupes devaient pratiquer l’ugai au moins trois fois par jour, pendant deux mois de la saison hivernale.

Résultat : le groupe qui s’est gargarisé à l’eau claire a eu environ 35 % de rhumes en moins que le groupe témoin. Ce qui est énorme pour un geste aussi simple6 !

Fait intéressant, le groupe qui a utilisé la solution antiseptique n’a eu « que » 10 % de rhumes en moins que le groupe témoin – ce qui est la confirmation qu’il ne faut pas perturber le microbiote de notre bouche avec des solutions trop agressives (je ne suis pas contre l’utilisation de la povidone-iodée en gargarisme les deux premiers jours d’une infection… mais surtout pas en prévention, tous les jours, trois fois par jour).

De façon tout aussi spectaculaire, les gargarismes à l’eau claire ont réduit la gravité des rhumes : ceux qui ont été infectés ont eu moins de fièvre, et surtout moins de symptômes bronchiques (toux et gêne respiratoire).

Avoir des infections moins graves, n’est-ce pas ce que tout le monde recherche ?

Avoir le nez qui coule n’est pas un problème très grave… mais passer deux jours au lit, c’est plus ennuyeux.

Quant aux personnes vulnérables, elles risquent l’hospitalisation dès qu’une infection a tendance à dégénérer.

Et c’est là qu’entre en jeu un deuxième essai clinique très révélateur7.

L’étude portait sur des personnes ayant de sérieuses maladies respiratoires. Typiquement des bronchites chroniques, ou pire encore, des bronchectasies (une maladie qui cause une forte vulnérabilité aux infections pulmonaires).

Évidemment, ces patients avaient des infections chroniques l’hiver, dont certaines pouvaient être graves.

Pendant de longs mois, des chercheurs de l’Université de Nagasaki ont suivi minutieusement toutes ces infections, avant et après qu’on leur conseille de faire des gargarismes à la povidone iodée.

Résultat : grâce aux gargarismes, le nombre d’infections bactériennes a été divisé par deux. Je parle ici d’infections extrêmement sérieuses : pneumocoques, staphylocoques dorés, Haemophilius Influenzae, etc.

Ce qu’expliquent les chercheurs montre l’importance fondamentale des gargarismes :

« En général, les infections respiratoires aiguës d’origine bactérienne chez les adultes en bonne santé sont précédées par un syndrome de rhume banal.

L’infection virale des voies respiratoires supérieures favorise l’adhérence des bactéries pathogènes à la muqueuse de ces voies.

Ces bactéries pathogènes, une fois fixées et multipliées dans le haut des voies respiratoires, peuvent provoquer une infection des voies respiratoires inférieures en déjouant les mécanismes de défense de l’organisme. »

Autrement dit, ce sont bien les syndromes grippaux qui font le lit des infections les plus graves. Une façon efficace d’éviter les infections bactériennes, c’est donc de pratiquer les gargarismes pour éviter les rhumes ou limiter leur gravité.

Confirmation pendant la période Covid 

Entre 2020 et 2024, une floppée d’études est venue confirmer l’intérêt des bains de bouche pour réduire la charge virale du Covid.

Étonnamment, la plupart des études se sont focalisées sur des formulations antiseptiques ou chimiques : povidone iodée, eau oxygénée ou encore chlorure de cétylpyridinium.

Certes, dans une éprouvette, ces formulations agressives apparaissaient les plus efficaces pour tuer le virus du Covid8.

Mais dans la bouche, c’est une autre histoire !

In vivo, l’eau salée fait au moins aussi bien que les formulations plus chimiques9 !

Une étude a même montré que des gargarismes à l’eau distillée réduisent autant la charge virale que les principales formulations antiseptiques10.

Bref, il est clair que l’eau est ce qu’il y a de mieux pour des gargarismes quotidiens.

Personnellement, je fais des gargarismes à l’eau du robinet le matin au réveil, et à l’eau salée le soir, après mon irrigation nasale. Et en cas d’infection, je fais des gargarismes à l’eau salée 4 à 6 fois dans la journée, en plus.

De l’eau salée… ou du thé vert !

Comme pour les sprays nasaux, il est possible que d’autres produits naturels puissent faire encore mieux que l’eau salée. Je pense au vinaigre de cidre ou aux huiles essentielles notamment. Mais on n’en a pas la preuve, faute d’essai clinique sur ces produits.

Il y a malgré tout une substance naturelle qui se démarque, au moins sur la grippe.

Les amateurs de thé vert seront heureux de savoir que leur boisson préférée a un impact avéré sur les virus de la grippe et du Covid.

Une revue d’essais cliniques (méta-analyse) a conclu que ceux qui font des bains de bouche au thé vert ont moins de risques d’attraper la grippe11.

Il est vrai que le thé vert contient des catéchines aux propriétés anti-virales bien connues (la plus connue étant le gallate d’épigallocatéchine, dit EGCG). In vitro, ces catéchines fonctionnent d’ailleurs également très bien contre le SARS-CoV-212.

Bref, si vous avez du thé vert chez vous, n’hésitez pas à en boire pendant la saison grippale et à en conserver un fond pour faire des gargarismes – plusieurs fois par jour si vous avez la grippe !

Bonne santé,

Xavier Bazin

Sources

[1] https://www.gettyimages.ch/detail/nachrichtenfoto/custom-officers-gargle-and-wash-their-hands-as-hong-nachrichtenfoto/1055790558

[2] https://www.qualialife.com/can-gargling-prevent-upper-respiratory-tract-infections

[3] https://www.japantimes.co.jp/community/2009/12/15/issues/to-gargle-or-not-to-gargle

[4] https://www.asahi.com/ajw/articles/13612842

[5] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16242593

[6] A noter qu’un autre essai clinique souvent cité n’a trouvé « que » 18 % de réduction du nombre de rhumes (non significatif statistiquement), mais il s’agissait d’étudiants, moins sujets aux infections https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC4041358/

[7] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12011518/

[8] https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC9566636/pdf/ijerph-19-12148.pdf

[9] https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC10312243/, https://www.journalofhospitalinfection.com/article/S0195-6701(23)00208-6/fulltext

[10] L’eau salée n’avait pas été testée.https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC9878137/

[11] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4866433/. Notez qu’en 2004, des chercheurs japonais ont suivi 124 résidents d’une maison de retraite pendant l’hiver – et demandé à la moitié d’entre eux de faire des bains de bouche au thé vert tous les jours. Résultat : dans le groupe qui a fait des bains de bouche préventifs, il y a eu un seul cas de grippe… contre 5 dans le groupe de contrôle ! Ce sont des petits chiffres, mais qui signalent une efficacité possible de 80 % de risque en moins ! https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16970537/

[12] https://www.nature.com/articles/s41598-022-17088-0, https://www.mdpi.com/2076-0817/10/6/721

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Sources

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